Densité, poids et masse spécifiques
Du point de vue physique, il est nécessaire de différencier poids spécifique, masse spécifique et densité. En effet, contrairement à la masse (m), le poids (P) n’est pas une grandeur constante ; c’est une force liée à la gravitation (g), laquelle dépend du lieu, et qui varie donc selon les localités d’après la formule P = mg.
Estimer la masse d’une gemme n’est cependant pas un problème, car l’on compare en un même lieu les forces induites par la masse de la gemme à celles induites par les masses étalonnées.
La masse spécifique est la masse par unité de volume, et dépend donc des unités choisies. Généralement, elle s’exprime en gramme/centimètre cube : elle est indépendante du lieu de mesure, contrairement au poids spécifique.
La densité absolue, ou «densité» sans complément, est le rapport de la masse d’une gemme à la masse de son volume d’eau : c’est un nombre pur, indépendant du lieu de mesure, identique à celui de la niasse spécifique exprimée en g/cm3.
La densité relative à telle matière est le rapport de la masse d’une gemme à la masse du même volume de la matière considérée. Il est utile en gemmologie de déterminer la densité d’une gemme par rapport au diamant (rapport de la densité de la gemme à celle du diamant), car elle peut permettre d’estimer la masse d’une gemme sertie d’après ses dimensions.
Il est vrai que, dans la vie pratique, commerçants, gemmologues et amis des gemmes confondent allègrement les trois notions, car les résultats sont exprimés par le même nombre, pur (c’est-à-dire sans unité physique) dans le cas de la densité, en grammes par cm3 pour la masse spécifique, en grammes-poids par cm3 pour le poids spécifique.
La densité des gemmes oscille entre 1 et 8. Les valeurs inférieures à 2 (par exemple l’ambre : 1,1) sont relatives à des minéraux considérés comme légers, celles de 2 à 4 (par exemple le quartz : 2,6) à des minéraux courants, et celles au-dessus de 4 (par exemple la cassitérite : 7) à des minéraux lourds. Les pierres les plus précieuses – diamant, rubis, saphir – ont une densité qui dépasse celle des minéraux des roches, tels le quartz et le feldspath. Aussi se déposent-elles dans les eaux courantes avant les sables riches en quartz et forment ce qu’on appelle les «graviers alluvionnaires».
Évaluation de la densité :
Pour identifier les pierres précieuses et fines, il peut être très utile, notamment pour le collectionneur, d’en déterminer la densité. Dans les milieux professionnels, on a de plus en plus recours à des méthodes d’investigation optiques au moyen d’appareils coûteux.
En gemmologie, où seules de petites quantités sont en jeu, deux techniques sont utilisées pour déterminer une densité : la balance hydrostatique, les liqueurs denses. La première prend un certain temps, mais est peu coûteuse. La deuxième est onéreuse, mais permet d’obtenir rapidement un résultat fiable sur de très petits volumes de gemmes inconnues.
Balance hydrostatique:
La détermination de la densité à la balance hydrostatique repose sur le principe d’Archimède ; aussi faut-il mesurer la masse de liquide déplacée par la pierre examinée. La densité par rapport au liquide est alors facile à calculer.
Chacun peut construire une balance hydrostatique. Le débutant peut se contenter d’un pèse-lettre modifié. L’étudiant plus avancé doit utiliser une balance de précision, telles celles des laboratoires ou des pharmacies.
L’objet à examiner est d’abord pesé dans l’air, sur le plateau de la balance, et ensuite dans l’eau dans la petite corbeille suspendue au-dessus du récipient. La différence entre les deux masses (ou poids en grammes-force) est celle de l’eau déplacée. Il est donc à la portée du profane de déterminer ainsi, à deux décimales près, la densité d’une gemme. Néanmoins, il est important de noter que les gemmes doivent être débarrassées de toute substance étrangère, ne pas être montées et, pour la pesée dans l’air, être sèches.
Liqueurs denses:
Le principe de la méthode des liqueurs denses se fonde sur le fait bien connu que les objets plongés dans un liquide de même densité y restent en suspens, sans sombrer au fond de l’éprouvette ni remonter à la surface (équilibre indifférent).
Pour commencer, la gemme est plongée dans une liqueur de forte densité, laquelle est ensuite progressivement diluée, jusqu’à ce que la gemme y soit en équilibre indifférent; elle est alors de même densité que le liquide.
La densité de cette liqueur dense diluée s’obtient à l’aide d’une balance de Westphal, balance construite à cet effet pour des spécialistes. Le profane utilisera « des indicateurs de densité», petits morceaux de verre (vendus en boutique) ou fragments de minéraux de densités diverses mais connues : lorsqu’un de ces indicateurs est en équilibre indifférent dans la liqueur diluée, il «indique» sa densité et donc celle de la gemme.
Parmi les diverses liqueurs denses, celles que l’on dilue à l’eau distillée sont particulièrement adaptées. Ainsi la liqueur de Thoulet, iodure de potasse et mercure, de densité 3,2, permet d’examiner la moitié des gemmes ; pour les gemmes plus denses, la liqueur de Clérici, un mélange de formiate et de malonate de thallium, de densité 4,2, a une densité supérieure à celle de toutes les gemmes, excepté une douzaine. Cette dernière liqueur, coûteuse et, en outre, particulièrement toxique et caustique, est fortement déconseillée aux débutants. Pour des densités inférieures à 3,5, on peut se rabattre sur la liqueur de Rohrbach, iodure de baryum et mercure.
Les liqueurs denses diluées ne doivent pas être jetées : elles peuvent être régénérées par chauffage au bain-marie. Toutes les liqueurs denses connues sont toxiques ; aussi ne doivent- elles être utilisées qu’avec précaution. 11 ne faut pas les respirer, ni manger durant l’expérimentation.
La méthode des liqueurs denses est particulièrement recommandée pour trier des gemmes connues dispersées dans un lot, pour distinguer les imitations et certaines pierres synthétiques des gemmes naturelles.