Famille du béryl
De nombreuses variétés colorées de béryl sont utilisées en joaillerie et ornementation. Le béryl vert est nommé émeraude; le béryl bleu, aigue-marine. Les béryls d’autres couleurs sont décrits sous la simple dénomination béryl. L’appellation «béryl» dérive d’un terme sanskrit, et a manifestement toujours désigné ces gemmes.
L’émeraude doit son nom au grec smaragdos, issu probablement d’un mot sémitique signifiant « briller ». Au Moyen Âge, et encore au début du xx siècle, de nombreuses pierres vertes, sinon toutes, furent nommées «émeraudes», avec un qualificatif de différenciation souvent trompeur s’il est entendu dans sa signification littérale.
L’émeraude est le plus précieux des béryls. Sa couleur est tellement incomparable que tout coloris qui s’en approche est qualifié de vert «émeraude». Sa couleur, attribuée au chrome et au vanadium, est très stable à la lumière ; la chaleur la modifie dès 700-800 °C, sans aucune règle, au mieux en vert sombre. Éclat vitreux. La transparence ne se manifeste que dans les pierres de toute première qualité : l’émeraude est souvent habitée par des inclusions diverses. Ces inclusions ne sont pas des défauts, si elles ne sont pas trop importantes; elles sont un brevet d’authenticité, par rapport aux pierres de synthèse et d’imitation. Le négociant en gemmes nomme «jardin» l’ensemble des givres de guérison d’une émeraude.
Les caractéristiques physiques de l’émeraude (poids spécifique, réfringence, biréfringence, pléochroïsme) varient selon les fieux d’origine. Les émeraudes sont toutes assez fragiles aux chocs, en raison de fissures très fréquentes dues à des tensions internes ; il faut éviter de les chauffer. L’émeraude est insensible aux produits chimiques ménagers.
Gisements :
La cristallisation de l’émeraude résulte de l’action de veines magmatiques ou hydrothermales sur des roches métamorphiques. Ses gisements se rencontrent près de pegmatites intrusives dans des schistes à biotite, des schistes argileux, ainsi que dans des filons traversant des roches calcaires.
L’extraction des cristaux s’effectue presque exclusivement dans les petits filons de la roche mère où l’émeraude s’est formée, ou bien sur les parois de géodes. L’exploitation alluvionnaire n’est guère possible, car la densité de l’émeraude, par ailleurs très fragile, est sensiblement celle du quartz. Aussi ne peut-il exister que des gisements éluvionnaires.
Les gisements d’émeraude les plus importants se trouvent en Colombie. Les lieux d’extraction les plus considérables sont les mines de Muzo, à 100 km au nord-ouest de Bogotá. Déjà exploitées par les Incas, puis tombées dans l’oubli, elles furent redécouvertes au XVII siècle et donnent parfois des émeraudes d’un vert profond de la plus belle qualité. L’extraction s’effectue en galeries et aussi en terrasses à ciel ouvert. La roche mère, un schiste argileux noir, friable et tendre, est détachée à la barre à mine et, de nos jours, également à l’explosif et au bulldozer, puis ramassée à la main. Les minéraux associés sont l’albite, l’apatite, l’aragonite, la baryte, la calcite, la dolomite, la fluorite, la pyrite.
Un autre gisement important, la mine de Chivor située au nord-est de Bogota au flanc d’une montagne de 2 300 m d’altitude, fut aussi exploité par les Incas. Les roches mères sont un schiste argileux gris noir et un calcaire gris. Depuis quelques années, à côté de terrasses en gradins à ciel ouvert, l’exploitation s’effectue aussi en galeries.
Ces dernières décennies ont vu surgir d’autres gisements en Colombie. Une question se pose toujours quant aux rares émeraudes exclusivement colombiennes dites « Trapiche », une croissance radiale de plusieurs cristaux prismatiques. Un tiers seulement des émeraudes colombiennes peut être taillé : les pierres dépassant la grosseur d’une noix sont de faible valeur ou fissurées.
Grâce à la découverte de nouveaux gisements au début des années 1980, le Brésil est devenu l’un des plus importants producteurs d’émeraude, également d’excellente couleur.
Des gisements d’émeraudes sont aussi exploités au Zimbabwe depuis 1955 environ. La mine la plus connue est celle de Sandawana au sud du pays. Les cristaux sont plutôt de petite taille mais de bonne qualité, d’un vert chaud nuancé de jaune.
Dans la région nord du Transvaal (Afrique du Sud), l’émeraude est exploitée par des procédés modernes et avec un outillage important (mines Cobra et Somerset). 5% de la production seulement est de bonne qualité. La plupart des pierres sont claires ou troubles, et ne se prêtent qu’à la taille en cabochon.
Vers 1830, des gisements d’émeraude furent découverts au nord de Sverdlovsk (ex- Iekaterinbourg), en Oural. La production, élevée au début de l’exploitation, est devenue sporadique et ne fournit plus que de petites pierres. La bonne qualité est rare, la majorité des pierres sont opaques, troubles et d’un vert clair tirant sur le jaune. La roche mère est un schiste à biotite traversé de talc et de chlorite.
D’autres gisements existent en diverses contrées : Afghanistan, Australie (Nouvelle-Galles du Sud, Australie occidentale), aux États-Unis (Connecticut, Maine, Caroline du Nord), Ghana, Inde, Madagascar, Malawi, Mozambique, Namibie, Nigeria, Pakistan, Tanzanie, Zambie. Quant aux mines d’émeraude de Cléopâtre situées à l’est d’Assouan en liante Égypte, elles n’ont qu’une valeur historique.
En Autriche, les mines d’émeraude de la vallée de l’Habach, près de Salzbourg, ont une certaine notoriété. La roche mère est un schiste à biotite et amphibole. Mais ces mines n’offrent d’intérêt que pour les collectionneurs de minéraux, car ceux quelles fournissent sont rarement taillables, les pierres étant troubles, quoique de bonne couleur. Quelques indices d’émeraudes se trouvent aussi en Norvège, à 50 km au nord d’Oslo, près d’Eidsvoll.
Émeraudes célèbres :
Il existe de nombreuses émeraudes importantes qui ne le cèdent en rien au diamant et au rubis pour la valeur et la célébrité. Des spécimens prestigieux de plusieurs centaines de carats peuvent être admirés au British Muséum de Londres, à l’American Muséum de New York, au fonds diamantaire d’État de Russie ainsi que dans le trésor impérial d’Iran. Un des joyaux de la Schatzkammer (Trésor) de Vienne est une petite fiole à onguent de 12 cm de haut pesant 2 205 et taillée dans un unique cristal d’émeraude.
Taille :
La taille à degrés, rectangulaire à pans coupés, est particulièrement bien adaptée à l’émeraude qu’elle rend moins vulnérable aux chocs. Elle est d’ailleurs surnommée «taille émeraude». Les émeraudes transparentes de couleur claire sont aussi parfois taillées brillant. Les émeraudes troubles ne sont taillées qu’en cabochons ou en boules de colliers.
Occasionnellement, l’émeraude est gravée, parfois même de manière particulièrement travaillée en camée ou en intaille. Depuis quelques années, des tailleries d’émeraude se sont plus particulièrement installées en Israël, après que les tailleries de diamant qui y étaient implantées eurent perdu une grande partie de leur activité au profit de l’Inde.
De nombreux doublets sont commercialisés. Ce sont souvent deux pierres véritables de couleur pâle – cristal de roche, aigue-marine, béryl ou émeraude claire – collées avec un ciment vert émeraude. La culasse peut aussi être du verre ou du spinelle synthétique. Les pierres naturelles de la couronne donnent le change, pour simuler l’authenticité de la pierre, par leurs inclusions et leur dureté. Les doublets sont difficiles à déceler lorsque la pierre est montée.
Les premières émeraudes synthétiques furent fabriquées en 1848. De nombreux procédés furent inventés dès le début du xx siècle, et une production commerciale de qualité débuta dans les années 1950. Il y a quelques années, la transparence aux rayons ultraviolets courts était considérée comme un moyen sûr de dépistage des émeraudes synthétiques ; c’est plutôt une source d’erreurs.
Pour dissimuler leurs fissures et leurs givres ouverts, les émeraudes sont plongées, sur les gisements mêmes, dans des huiles spéciales ou injectées de résines artificielles sous vide.