Propriétés optiques
Les propriétés optiques occupent une place essentielle parmi toutes celles que possèdent les gemmes. Elles se manifestent en effet par la couleur, l’éclat, les feux, la luminescence, les effets lumineux et les aspects de surface La connaissance des propriétés optiques est en outre nécessaire à l’identification des gemmes.
Colleur :
Pour juger d’une pierre, la couleur est généralement prise en compte en premier lieu. Mais la couleur n’est toutefois pas un moyen d’identification sûr pour la plupart des gemmes, car, d’une part, nombre d’entre elles sont de même couleur et, d’autre part, de nombreux minéraux se présentent sous diverses couleurs constituant autant de variétés de gemmes.
Les couleurs résultent de la perception par les yeux de vibrations électromagnétiques de certaines longueurs d’ondes : l’œil humain ne perçoit la gamme des ondes que de 400 à 700 nano- mètres. Cette gamme est divisée en sept secteurs correspondant chacun à une couleur spectrale (violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge).
Le mélange de toutes ces couleurs donne la lumière blanche. Si une seule de ces couleurs est absorbée, le mélange des couleurs restantes donnera une sensation colorée (par exemple, l’absorption du bleu d’une lumière blanche donne une sensation jaune). Si toutes les longueurs d’onde traversent la gemme sans obstacle, celle-ci sera incolore ; si, au contraire, toute la lumière est absorbée, la gemme sera noire. Si les intensités de toutes les longueurs d’onde sont fortement affaiblies, la gemme paraîtra blanc sale ou grise.
Dans les gemmes, ce sont surtout des métaux et leurs liaisons – chrome, fer, cobalt, cuivre, manganèse, nickel, titane et vanadium -, qui absorbent des ondes de longueur bien précises, et contribuent ainsi à leur coloration.
Pour le zircon et le quartz-fumée, la couleur n’est pas imputable à une substance étrangère, mais à une altération de la structure interne (« maille » cristalline) sous l’influence de radiations de courtes longueurs d’onde (radiations d’altitude), ce qui aboutit à une absorption sélective, à une modification de la couleur primitive.
La longueur du parcours lumineux à travers le cristal, influe sur l’intensité de l’absorption, et, par conséquent, sur la couleur. Aussi doit-on s’efforcer d’exploiter au mieux ce phénomène lors de la taille : les gemmes de couleur claire doivent avoir une certaine épaisseur et/ou un facettage approprié, pour leur donner une couleur plus soutenue par un parcours lumineux plus long. Lorsque le cristal est trop sombre, la gemme doit être taillée peu épaisse. Par exemple, le grenat almandin, rouge très foncé, est souvent taillé en cabochon creusé sur sa face inférieure; il est dit «chevé».
La lumière artificielle à incandescence influe également sur la couleur des gemmes, car sa composition diffère de celle de la lumière du jour. Il est des gemmes dont la couleur est défavorisée à la lumière artificielle (par exemple le saphir), et d’autres qui rayonnent (par exemple le rubis). Le phénomène le plus surprenant est un complet changement de couleur comme dans l’alexandrite, qui paraît verte à la lumière du jour, rouge à la lumière électrique.
Bien que la couleur joue un rôle essentiel pour les gemmes, aucune méthode pratique n’existe encore pour en permettre l’analyse objective, à l’exclusion des diamants. Les tableaux comparatifs de couleur ne sont qu’un médiocre palliatif tant est importante la sensation subjective. Les méthodes scientifiques de mesure d’analyse de la couleur ne sont pas utilisables commercialement.
Couleur du trait :
Les couleurs des gemmes peuvent être extrêmement variées, jusque dans une même espèce minérale. Le béryl, par exemple, existe dans toutes les couleurs du spectre et peut aussi être incolore. Cette absence de couleur, véritable couleur d’origine, est dite «couleur propre»; toutes ses autres couleurs en quelque sorte «étrangères » proviennent d’une présence accidentelle de substances «colorantes».
La couleur propre, étant toujours constante, peut être une caractéristique d’identification. Cette couleur apparaît lorsque le minéral est frotté vigoureusement sur une plaque de porcelaine poreuse (surface d’essai) ; la poussière extrêmement fine qui en résulte est comparable à de très fines plaquettes transparentes à travers lesquelles la « couleur étrangère», trop peu intense, n’est plus visible. Par exemple, l’hématite, gris acier, laisse une trace rouge; la pyrite couleur cuivre, une trace noire; la sodalite bleue, une trace blanche.
Si l’on a affaire à des minéraux plus durs, il est recommandé d’en gratter d’abord un fragment à la lime d’acier et de le pulvériser ensuite sur la surface d’essai. Cette méthode d’identification est surtout intéressante pour le collectionneur de minéraux bruts. Il est impossible d’avoir recours à ce procédé pour des pierres taillées, sans risquer de les détériorer.
Modifications de la couleur :
Certaines gemmes changent de couleur avec le temps. L’améthyste, le quartz rose, la kunzite peuvent pâlir à la lumière solaire jusqu’à se décolorer complètement. En général, ces changements de couleur sont rares dans la nature ; il est plus fréquent qu’une intervention humaine provoque une modification, une «amélioration» de couleur.
Le procédé le plus connu est le «chauffage» de l’améthyste. Aux alentours de 100°C, la pierre, violette à l’origine, peut devenir jaune clair, rouge brun, verte ou d’un blanc laiteux. La plupart des citrines et toutes les prasiolites commercialisées sont des améthystes ainsi transformées.
En chauffant des pierres de couleur médiocre, il est possible de leur donner une teinte plus appréciée. Des aigues-marines tirant sur le vert prennent à la chaleur un ton azur. Des tourmalines trop sombres s’éclaircissent, des tourmalines bleues virent au vert. Des zircons incolores ou couleur d’aigue-marine pâle deviennent à la chaleur des zircons hyacinthes rouge-brun.
La couleur d’une pierre est aussi améliorée (technique récente) en l’irradiant avec des rayons ionisants (rayons X ou gamma) de même qu’en l’exposant à un flux de particules élémentaires. La teinte obtenue paraît généralement si naturelle que le procédé est difficilement décelable à l’oeil nu. Seuls des examens complexes permettent de le mettre en évidence avec certitude. Parfois, les couleurs ainsi modifiées ne sont pas stables : les gemmes peuvent «faner», prendre une autre teinte ou se tacher.
La couleur des gemmes poreuses – lapis-lazuli, turquoise, jade, agate, jaspe, ambre, perles, corail, etc. – peut être avivée ou modifiée par des bains colorants, par de l’huile ou de la cire. Ce traitement par teinture remonte à l’Antiquité.
Règles commerciales Toutes les gemmes ayant subi une modification de couleur artificielle doivent, selon les règles de la CIBJO, être clairement ainsi dénommées dans les transactions commerciales à l’exception « des gemmes suivantes qui ont acquis une modification de couleur permanente et irréversible, par traitement thermique, à savoir : ambre, béryls (aigue- marine, morganite), corindons (rubis, saphir), quartz (citrine, prasiolite, améthyste), topaze (topaze rose), tourmalines (toutes couleurs), zoïsite (tanzanite bleue) ».
De même, « les gemmes qui ont acquis une modification de couleur permanente et irréversible par traitement thermique et par action d’acides et de mordants, comme l’agate rubanée, la cornaline, l’onyx, l’agate verte, l’agate bleue» n’ont pas à être désignées dans les transactions commerciales comme de couleur artificiellement modifiée.
Indices de réfraction :
Nous avons tous observé dans notre enfance qu’un bâton à demi immergé obliquement dans l’eau paraît « brisé » à la surface de séparation de l’air et de l’eau : la partie inférieure du bâton semble prendre une direction différente de la partie supérieure. C’est l’observation du phénomène de réfraction. Il se manifeste chaque fois qu’un rayon lumineux passe d’un milieu à un autre (de l’air ambiant à l’intérieur d’une gemme, par exemple) selon une direction oblique à la surface de séparation des deux éléments.
La valeur de cette «cassure» de réfraction est une constante pour les cristaux de chaque espèce de gemme. Aussi sert-elle à les identifier : sa mesure exprimée en chiffres s’appelle « indice de réfraction ». C’est le rapport entre la vitesse de la lumière dans l’air et sa vitesse à travers la gemme, car la déviation du rayon lumineux provient de sa différence de vitesse dans le milieu cristallin.
La vitesse de la lumière pour le diamant est donc la 2,4′ partie (= indice de réfraction) de la vitesse de la lumière dans l’air.
Les indices de réfraction des gemmes et minéraux varient entre 1,4 et 3,2. Dans une même espèce minérale, ils varient légèrement selon la couleur (liée à ses accidents de cristallisation). Les gemmes dites « biréfringentes » ont deux indices de réfraction principaux différents.
Réfractomètre Dans la pratique, la réfringence se mesure avec un réfractomètre, qui permet une lecture directe du ou des indices sur une échelle graduée. Mais cet appareil ne permet de déterminer que des indices allant jusqu’à 1,8 environ, et cela pour des gemmes facettées ou présentant une surface plane. L’estimation des indices de réfraction des autres gemmes et des indices supérieurs à 1,81 s’effectue selon des techniques particulières.
Dans le cas des cabochons, le professionnel peut obtenir un résultat approximatif en recourant à une observation du point de contact gemme/prisme du réfractomètre.
Méthode de l’immersion II est également possible, sans grands frais de matériel, de mesurer la réfringence par la méthode dite de l’«immersion» : la gemme est examinée dans un liquide d’indice de réfraction connu, et l’apparence de ses contours et arêtes indique une différence plus ou moins importante entre son indice de réfraction et celui du liquide.
Biréfringence :
Dans toutes les gemmes – à l’exception de l’opale, des verres et des pierres appartenant au système cubique – le rayon lumineux pénétrant dans un cristal, est simultanément dévié et divisé en deux rayons polarisés d’indices de réfraction différents. Ce phénomène, facilement mis en évidence entre polaroïds croisés (polariscope), est la biréfringence.
Il est particulièrement net pour la calcite provenant d’Islande. La biréfringence est également très nette dans le zircon, la titanite (sphène), la tourmaline et le péridot : par transparence on peut y distinguer à l’œil nu un dédoublement des arêtes des facettes inférieures. Aussi le lapidaire doit-il s’efforcer d’atténuer cet effet de biréfringence par une orientation appropriée de la table de la gemme, afin que la biréfringence ne trouble pas son aspect.
La biréfringence est aussi un moyen d’identifier les gemmes. Elle s’exprime numériquement par la différence entre le plus grand indice de réfraction et le plus petit. En outre, le professionnel distingue dans les pierres biréfringentes un « caractère optique » positif ou négatif.
Spectres d’absorption :
Les spectres d’absorption, aide très importante à la détermination, sont des bandes d’absorption de la lumière du spectre visible provoquées par les gemmes colorées. Nous savons déjà que certaines ondes lumineuses sont absorbées en traversant un cristal. Le mélange des couleurs restantes provenant du spectre de la lumière blanche originelle détermine la couleur de chaque gemme. Il est parfois difficile de déceler à l’œil nu de minimes différences de coloration. Une tourmaline rouge, un grenat rouge, ou même un verre coloré en rouge peuvent présenter de trompeuses ressemblances avec un coûteux rubis ; mais les spectres d’absorption démasquent, sans doute possible, ces substituts du rubis. La plupart des gemmes ont un spectre d’absorption spécifique et très caractéristique, constitué de lignes ou de bandes noires et verticales dans le spectre coloré (observable au spectroscope) .
Le principal avantage de la spectroscopie consiste à pouvoir distinguer des gemmes de même densité et de même réfringence. Elle permet également d’examiner les pierres brutes ou montées ainsi que les cabochons. La spectroscopie permet également de différencier certaines pierres naturelles, synthétiques ou d’imitation.
Ce sont les pierres transparentes et de couleur soutenue qui donnent les meilleurs résultats. Le spectre d’absorption des pierres opaques (l’hématite, par exemple) ne peut être observé qu’à travers des paillettes extrêmement minces ou au niveau des arêtes de la gemme, ou en lumière réfléchie.
Le spectroscope permet de déterminer les longueurs d’onde de la lumière absorbée correspondant aux bandes obscurcies du spectre. L’unité de mesure pour ces longueurs d’ondes est le nanomètre, correspondant à 1/1000000 de millimètre (symbole : nm). La précédente unité de mesure, l’angstrom, noté Â (1 Â= 10~’° m= 0,1 nm.), n’est plus utilisée en littérature gemmologique ni dans le système international.
Comme lignes et bandes d’absorption ne sont pas toujours très nettement visibles, il est d usage de marquer leurs différences d’intensité par la manière d’écrire leurs longueurs d’ondes : dans cet ouvrage, les lignes d’absorption très accentuées sont soulignées tandis que les lignes plus faibles sont mises entre parenthèses.
Des lignes et bandes d’absorption peuvent aussi être mises en évidence dans les parties non visibles du spectre lumineux (infrarouge et ultraviolet) grâce à un spectrophotomètre ; les indications ainsi obtenues en laboratoire sont très utiles pour déceler notamment la coloration artificielle des diamants par irradiation.
Transparence :
La valeur de la plupart des pierres précieuses dépend en grande partie de leur transparence. Inclusions de matières étrangères, cavités, fissures internes peuvent altérer cette transparence. La lumière peut également être absorbée par le cristal. Les agrégats grenus, fibreux ou filamenteux (calcédoine, lapis-lazuli, turquoise, etc. ) sont dits « opaques » dans la profession, car la lumière se brise à la surface de leurs innombrables corpuscules, jusqu’à être finalement réfléchie ou absorbée en totalité. Une gemme est dite « translucide » si la lumière est fortement affaiblie en la traversant.
Eclat :
L’éclat d’un cristal est dû à la «réflexion», c’est-à-dire au pouvoir qu’il a de renvoyer, à la façon d’un miroir, une partie de la lumière qui frappe sa surface. L’éclat d’un minéral, d’autant plus vif que son indice de réfraction est élevé, dépend aussi de la qualité du poli de sa surface réfléchissante, mais non de sa couleur. Sa mesure est le « pouvoir réflecteur », rapport de l’intensité de la lumière réfléchie à l’intensité de la lumière incidente normale d’une lace polie; le pouvoir réflecteur du diamant est 0,172, celui de la topaze de 0,056. L’éclat adamantin est le plus vif ; l’éclat vitreux est le plus commun. Les éclats métallique, soyeux, nacré, cireux, gras sont rares. Une pierre dépolie, privée d’éclat, est dite mate.
Dans le langage courant, le mot «éclat» désigne aussi l’ensemble des effets de lumière causé par un phénomène de réflexion totale. Ainsi, lorsque les facettes inférieures d’une gemme taillée agissent à la manière de miroirs et renvoient la lumière incidente qui les a frappées vers l’observateur – ce qui renforce l’éclat -, le professionnel parle de « brillance » ou de «jeu». Les meilleures conditions de réflexion totale sont réalisées par la taille brillant du diamant, qui en obtient le maximum de brillance.
Pleochroïsme :
La couleur de certaines gemmes transparentes fonce, ou change même, selon l’angle d’observation. Cette particularité, dite « pléochroïsme », est due à une absorption de la lumière variable selon la direction cristallographique d’un cristal biréfringent. Lorsque deux couleurs principales apparaissent, dans deux directions perpendiculaires (systèmes cristallins quadratique, hexagonal et rhomboédrique), il est question de « dichroïsme». Lorsque trois couleurs principales se manifestent dans trois directions orthogonales (systèmes cristallins orthorhombique, monoclinique et triclinique), on parle de «trichroïsme».
Les minéraux amorphes et ceux du système cubique ne présentent évidemment pas de pléochroïsme. L’intensité du pléochroïsme d’une gemme peut être faible, nette ou forte. Il doit en être tenu compte dans la taille d’une pierre, afin d’éviter que celle-ci ne prenne une teinte défectueuse, ou ne soit obscurcie ou éclaircie plus qu’il ne convient.
Luminescence :
La luminescence – du latin, lux : lumière – est un terme désignant la propriété d’une pierre à émettre de la lumière sous l’influence de rayonnements provenant de réactions physiques ou chimiques, à l’exclusion du simple rayonnement calorifique.
Pour la détermination d’une gemme, sa luminescence sous l’effet de radiations (X, UV), c’est-à-dire sa fluorescence, est particulièrement importante. Le mot «fluorescence» vient de fluorite, un minéral sur lequel ce phénomène lumineux a été observé pour la première fois. Lorsqu’une substance demeure lumineuse quelque temps après avoir été soumise aux rayonnements d’excitation, il est question de phosphorescence, le phosphore étant connu comme éclairant la nuit» (du grec phosphore, porteur de lumière).
La fluorescence des gemmes provient d’accidents infimes de leur réseau cristallin (éléments de trace, accidents de cristallisation). La plupart d’entre elles sont fluorescentes sous les rayons ultraviolets courts (254 nm). Certaines gemmes ne réagissent qu’aux rayons ultraviolets longs ( 366 nm), à l’exclusion des rayons ultraviolets courts, et d’autres réagissent aussi bien aux ultraplats longs qu’aux courts. Celles fortement ferrifères ne présentent pas de fluorescence, par suite d’un «effet tunnel» qui l’inhibe (familièrement, le fer est dit «poison de la luminescence»).
La fluorescence n’est pas, en général, une caractéristique d’identification des gemmes, car, principalement sous les rayons ultraviolets, les membres d’une espèce minérale peuvent, les uns, émettre diverses couleurs, les autres, ne pas s’éclairer. C’est en revanche une caractéristique valable pour détecter les cristaux synthétiques, car ils réagissent souvent différemment des gemmes naturelles sous les rayons ultraviolets, du moins les pierres synthétiques anciennes. Les doublets aussi sont parfois identifiables sous les rayons ultraviolets, lorsque la colle fluoresce seule ou différemment de la couronne.
Très occasionnellement, la fluorescence est une aide certaine pour reconnaître la provenance, car l’aspect du phénomène est quelquefois typique de tout un gisement.
Les phénomènes de luminescence provoqués par les rayons X peuvent aider à différencier les perles fines des perles de culture à noyau de nacre. Les couches perlières des perles de mer ne fluorescent pas, tandis que celles de perles d’eau douce fluorescent vivement. Aussi, le noyau artificiel des perles de culture, toujours en nacre d’eau douce, provoque-t-il une luminescence sensible des perles de culture, au contraire des perles fines. Ce test est loin d’être absolu, il est en particulier totalement défaillant pour distinguer les perles fines d’eau douce des perles de culture d’eau douce.