Gisements et exploitation
Les gemmes proviennent de nombreuses régions du monde. Elles sont tantôt isolées et dispersées, tantôt groupées en grande quantité. Un gisement est un site exploitable du fait de sa richesse en gemmes. Les lieux où ne se trouvent que quelques gemmes isolées sont dits localisations ou indices. Le mot « provenance » inclut toutes les notions précédentes.
Gisements gemmifères :
Selon l’origine des roches renfermant les pierres précieuses, nous distinguons les gisements « magmatiques » (formés à partir du magma), « sédimentaires » (constitués d’une suite de dépôts) et « métamorphiques » (résultant de la transformation – métamorphisme – de roches préexistantes sous l’effet d’élévation de température et de pression).
Il est assurément plus opportun, en général, de parler de gisements « primaires » ou « secondaires », selon que les gemmes se trouvent sur leur site de formation géologique («premier lieu») ou qu’elles aient été transportées («second lieu»).
Dans les gisements primaires, les pierres sont encore dans leur milieu originel, la « roche mère », aussi leurs cristaux sont-ils en bon état. Mais la production de ces gisements est faible, car il faut, lors de l’exploitation, rejeter une grande quantité de « stériles », c’est-à-dire de roches non gemmifères.
Dans les gisements secondaires, les pierres précieuses ont été entraînées hors de leur heu d’origine et se sont déposées ailleurs par sédimentation : ce processus arrondit les morceaux de roche tenaces et les cristaux peu fragiles, et diminue ou même anéantit les autres cristaux. Selon le mode de transport ou le lieu de dépôt, nous distinguons les gisements alluviaux (fleuves, rivières), lacustres (lacs), marins (océans), côtiers (littoral) et éoliens (dus aux vents).
Des fleuves peuvent entraîner des roches gemmifères sur des centaines de kilomètres. Lorsque le débit des eaux – et, avec lui, la force de déplacement – faiblit, les gemmes les plus denses (par exemple, diamant, zircon, grenat, saphir, chrysobéryl, topaze, péridot et tourmaline) tendent à se déposer avant les sables légers, et donc à enrichir certains dépôts. Ces conditions favorisent une exploitation des gemmes considérablement plus facile et productive que dans les gisements primaires. De telles exploitations sont nommées, selon une ancienne habitude minière, «placers», « graviers gemmifères » ou « sables gennnifères ». Les scientifiques parlent de gisements alluviaux.
Ces gisements se rencontrent dans la zone de ressac en bordure de l’océan aussi bien que dans les cours d’eau. En Namibie, de tels gîtes sont exploités pour le diamant, et donnent d’excellents résultats.
Même le vent peut transporter au loin des graviers gemmifères et enrichir ainsi certains lieux.
Outre les gisements primaires et alluvionnaires, il existe des gisements éluvionnaires, formés sur place (sans transport) par démantèlement météorique des gîtes précédents. Ils se rencontrent au pied de rochers abrupts et de grandes collines. Les gemmes se trouvent alors concentrées dans les graviers de ce démantèlement météorique, car les stériles de moindre densité ainsi dégagés sont peu à peu entraînés par les eaux de ruissellement ou le vent, tandis que les gemmes demeurent sur place.
La répartition des gisements gemmifères à travers le monde est irrégulière. Certaines régions sont privilégiées : l’Afrique du Sud, le Sud et le Sud-Est de l’Asie, le Brésil, l’Oural, l’Australie et les zones montagneuses des États-Unis. Une meilleure connaissance géologique de la Chine et de l’Arctique a déjà fait évoluer ces données, aussi est-il contestable que certains continents soient plus favorisés que d’autres.
Procédés d’extraction :
La plupart des gisements de pierres précieuses ont été découverts par hasard. De nos jours encore, une recherche systématique (ou prospection) est presque exclusivement limitée aux terrains diamantifères. Ceci est dû en partie au fait que la production du diamant procède d’accords internationaux et que les prix sont contrôlés à l’échelon mondial. Aussi existe-t-il ici un enjeu capitaliste important pour la prospection.
La prospection des gisements non diamantifères est menée avec des moyens simples, faisant rarement appel aux techniques modernes, et le plus souvent sans aucune base scientifique. Mais il n’en demeure pas moins surprenant de voir avec quel succès les prospecteurs indigènes découvrent constamment des nouveaux gisements.
Excepté pour le diamant, les techniques d’exploitation d’un gisement – ou mines – sont très primitives dans la plupart des pays et, dans certaines régions, n’ont pas varié depuis deux mille ans. L’accroissement de la demande mondiale en gemmes a sans aucun doute conduit quelques pays à une mécanisation croissante des décapages. L’extraction des émeraudes en Afrique du Sud et les mines d’opale d’Australie montrent ainsi largement une forte mécanisation de la préparation des gisements.
Le procédé le plus simple de récolte des gemmes est de les trier en surface, par exemple dans le lit asséché d’un cours d’eau, dans des fissures rocheuses ou dans des cavernes. Cependant, l’extraction des gemmes demande généralement de gros efforts et beaucoup de peine.
Les cristaux inclus dans des roches solides en sont dégagés à la barre à mine et aussi, récemment, au marteau pneumatique ou à l’explosif. Depuis des siècles, des étages de galeries creusées au droit de puits forment l’ensemble d’une exploitation minière souterraine.
L’exploitation est facile dans les graviers gemmifères : les terres gemmifères sont attaquées à la pelle et à la pioche, transportées dans des corbeilles en un lieu où elles seront lavées afin d’en extraire les gemmes (illustration p. 54). Cela se rencontre dans la plupart des gisements gemmifères des pays où règnent pauvreté et chômage, et où la main-d’œuvre est moins chère que les machines, en particulier en Asie du Sud-Est et Asie méridionale, en Amérique latine et dans une grande partie de l’Afrique.
Si les couches gemmifères sont situées en profondeur, ou bien les sables et argiles superficiels sont évacués, ou bien des puits sont creusés. À peine étayés, ces puits peuvent atteindre une profondeur de 10 m. La seule concession au modernisme est la présence de motopompes qui en extraient du fond l’eau des pluies et des suintements, laquelle ne pourrait être évacuée aussi vite à la main.
Une autre manière de récupération dans les graviers gemmifères est le ratissage d’un cours d’eau. En vue d’en trier les minéraux, diverses sections y sont réalisées avec de petits barrages provoquant une augmentation latérale du débit. Les argiles et sables quartzeux de faible densité sont entraînés au loin tandis que les minéraux précieux plus denses se concentrent aux endroits ainsi déterminés du cours d’eau. Les ouvriers grattent en outre le lit avec des perches, accélérant ainsi la concentration des minéraux lourds.
L’extraction proprement dite des gemmes dans ces zones de ratissage résulte de la séparation des minéraux légers, soit à l’aide de structures artificielles en escalier sur lesquelles l’eau court, soit principalement dans des fosses d’eau. Là, le tri du minerai gemmifère s’effectue au moyen de corbeilles emplies des matériaux ratissés auxquelles on imprime un mouvement circulaire ; ce mouvement manuel amène les éléments les moins denses en bordure de corbeille.
Le tri final d’un concentré gemmifère se fait toujours à la main. La proportion des gemmes y est généralement très faible. Souvent, le dernier concentré ne comporte que deux ou trois petites pierres de qualité gemme.
Pour ce qui est des droits de raclage, du salaire des ouvriers et de l’éventuel partage des profits, les pratiques les plus diverses règnent dans chaque pays. En règle générale, le travail de ratissage des gemmes est une activité de gens pauvres.
Les vols sont un problème particulier de l’extraction des gemmes. Ils mettent en danger une exploitation en bradant la marchandise. L’ingéniosité déployée dans la contrebande des gemmes semble inépuisable. Mais les mesures préventives sont également de plus en plus subtiles. Les mines diamantifères sont les plus sécurisées.