Les perles
Les perles sont produites par des mollusques bivalves (particulièrement de la famille des aviculidés), rarement par des gastéropodes marins. Elles sont constituées par de la nacre qui est en grande partie du carbonate de chaux, sous forme d’aragonite, et d’une substance organique cornée, la conchyoline, qui agglomère, à la manière d’un ciment, les microcristaux disposées en couches concentriques autour d’un centre. La dureté des perles est comprise entre 21/2 et 41/2, mais elles sont extraordinairement cohérentes et ne se brisent que difficilement.
La signification du mot «perle» paraît parfois incertaine, reliée par quelques-uns à leur forme sphérique (latin sphaerula) ou au nom d’une variété de mollusques (latin perna) qui les produit. C’est en réalité un reliquat de l’argot des légions romaines qui se moquaient des «petites poires» (pim oupirla) suspendues aux oreilles des matrones.
La grosseur d’une perle varie entre celle d’une tête d’épingle et celle d’un œuf de pigeon. L’une des plus grosses perles trouvées jusqu’à présent est la perle dile Hope, longue de 5 cm el pesant 454 carats (1814 grains, soit 90,8 g), conservée au Musée géologique de South Kensington (Londres). La «perle d’Asie», issue d’un bénitier (Tridacna gigas) est encore plus importante : 575 carats ou 2 300 grains.
L’éclat typique de la perle, appelé orient, provient de la superposition des lamelles d’aragonite et de la conchyoline interstratifiée dans ces lamelles au voisinage de la surface : cette disposition est responsable des phénomènes d’interférences lumineuses qui donnent à la perle une certaine irisation. Quant à la couleur de la perle, elle dépend de la coloration des couches externes de conchyoline de l’espèce du mollusque qui la sécrète, selon l’environnement marin ou fluvial. Lorsque la conchyoline est irrégulièrement répartie, la perle prend un aspect tacheté.
Formation : Les perles se forment à l’intérieur de mollusques marins bivalves, dans quelques mollusques d’eau douce et, parfois aussi, dans des gastéropodes. Elles proviennent de la réaction de ces animaux à des vers parasites plats de la classe des cestodes qui se sont glissés entre leur coquille el leur manteau (voir schéma), parfois même à l’intérieur du manteau. C’est la peau externe de ce manteau, l’épithéhum externe, qui forme dans des conditions normales la coquille du mollusque en sécrétant de la nacre; mais l’épithélium externe est également capable d’englober dans cette zone tout corps étranger. Cet enrobage conduit à une protubérance de la coquille; de petits crabes noyés dans la nacre ont été ainsi observés, mais très rarement.
Si la perle se développe comme une verrue sur la face interne de la coquille, la forme est hémisphérique lorsqu’on la détache : c’est une perle blister (de l’anglais : ampoule). Les négociants la complètent parfois par une pastille de nacre polie pour l’arrondir. Généralement, elle est grattée sur sa face inférieure pour l’arrondir sans ajout qui la transformerait en «doublet».
Lorsqu’un parasite attaque l’épithélium externe du manteau, celui-ci l’englobe en s’invaginant et l’isole en formant un « sac perlier » : l’épithélium entraîné dans le tissu conjonctif par le parasite enveloppe très vite ce dernier par prolifération des cellules, accompagnée de sécrétion de nacre (voir schéma ci-dessous). Ce «sac perlier» est le germe de la future perle ronde; la perle ne cesse de grossir par dépôts successifs, si toutefois elle n’est pas rapidement éjectée par le mollusque. Nous avons appris récemment que l’épithélium peut engendrer aussi une perle sans le concours d’un corps étranger. Il suffit qu’un fragment de cet épithélium, pour une raison quelconque (par exemple line lésion venant de l’extérieur), aille se loger dans le tissu conjonctif du manteau.
Perles naturelles :
(synonyme : perles fines)
Les perles naturelles se produisent dans la nature sans aucune intervention humaine, aussi bien en mer qu’en eau douce. Aussi sont-elles désignées comme «perles fines».
Perles de mer: Les pintadines, dites « huîtres perlières », vivent sur des « bancs », qui s’étendent le long des côtes à environ 15 à 20 m de profondeur. Les pintadines communes ont la grosseur d’une paume de main et vivent environ 8 ans, notamment dans le golfe Persique et le golfe de Manaar (entre l’Inde et Sri Lanka). Dans l’Antiquité déjà, les perles y étaient pêchées. Pour cette raison, toutes les perles fines issues de ces pintadines sont appelées perles d’Orient, quelle que soit leur origine : Madagascar, Venezuela, etc. Les petites perles fines rosées et cuivrées sont nommées « semence» de perles. De grandes pintadines d’un diamètre de 25 à 30 cm, pouvant vivre une quinzaine d’années, se trouvent le long des côtes de Birmanie, des Philippines, de nombreuses îles du sud du Pacifique, de l’Australie du Nord et d’Amérique centrale. Certaines ont une nacre blanche et produisent les « perles des mers du Sud » d’orient moins profond ; d’autres ont une nacre sombre et produisent les « perles noires » (Polynésie notamment). Il n’existait au Japon (premier producteur de perles de culture) que de rares bancs de pintadines communes.
La pêche des perles s’effectue par plongée en apnée. Les plongeurs étaient autrefois des femmes (appelées ama au Japon) sans équipement spécial. L’utilisation de scaphandres ou autres appareils a toujours été interdite ; quelques essais effectués sur les côtes vénézuéliennes vers 1930 se sont heurtés à une farouche opposition des plongeurs locaux. Une huître sur trente ou quarante contient une petite perle. Des tentatives de pêche au filet eurent lieu en 1958 à Sri Lanka. Les bancs perliers ainsi exploités furent anéantis, car les jeunes pintadines devant succéder aux autres furent presque totalement détruites.
Parmi les autres coquillages qui produisent des perles, Strombus gigas (gastéropode marin) est le plus connu. Sa perle de couleur rose – pink pearl – rappelle la porcelaine avec un éclat soyeux. Elle est rare et compte peu commercialement.
Perles d’eau douce ou perles de rivière. La pêche des perles d’eau douce en lacs et rivières n’a plus aujourd’hui aucun poids commercial. Ces perles sont d’ailleurs rarement de bonne qualité. Au Moyen Âge et jusqu’au début du xx » siècle, la pêche perlière avait encore une certaine importance dans les cours d’eau oxygénés pauvres en calcaire des monts Métallifères, du Palatinat, de Bohême, de Bavière, des landes de Lüneburg, ainsi que dans les rivières situées dans la même zone climatique d’Asie et d’Amérique du Nord, de même que dans les Vosges, en Écosse, en Scandinavie, etc. lin Europe, les pêcheries de perles appartenaient strictement aux princes, auxquels les perles pêchées devaient être personnellement remises. La pollution des eaux a toutefois fait disparaître en grande partie les «moules perlières» d’eau douce (dites mulettes). Cependant, l’amélioration de la qualité de l’eau a permis une régénération partielle des bancs perliers de certains cours d’eau. Leur maintien est néanmoins grandement mis en danger par la forte teneur des eaux en nitrates. Dans les pays scandinaves et en Europe centrale, les mulettes perlières sont placées en réserves naturelles et il est interdit de les pêcher.
Perles de culture :
La demande croissante pour les perles a tout naturellement amené l’homme à les cultiver en grande quantité. Les perles de culture ne sont pas une imitation de cette matière précieuse, mais une production animale provoquée par intervention humaine. Les perles de culture constituent de nos jours 90% du commerce perlier mondial. Des fermes perlières existent en mer aussi bien qu’en eau douce.
Culture perlière en mer: Le principe de la culture est simple : l’homme force des huîtres perlières à produire des perles en introduisant lui-même des corps étrangers dans leur coquille. Au XVII siècle déjà, les Chinois avaient imaginé d’introduire de petits objets (notamment des bouddhas) dans la coquille de mulettes perlières, et de les y laisser se recouvrir de nacre. En 1761, le naturaliste suédois Carivon Linné réussit à obtenir des perles rondes dans des mulettes d’eau douce.
Afin d’amener les huîtres à produire des perles, une petite bille de nacre confectionnée dans la nacre d’une coquille de roulette d’eau douce d’Amérique du Nord est introduite conjointement à un morceau d’épithélium du manteau d’une «huître perlière» Akoya (Pinctada martensii) dans la gonade d’une autre Akoya. Cet épithélium ainsi greffé se développe autour de la bille de nacre en sac perlier, qui sécrète des couches perlières enrobant cette bille. L’élément essentiel dans la formation d’une perle est, en effet, l’épithélium et non le corps étranger; théoriquement, on pourrait presque se passer de ce dernier, mais la cuffure de perles de grande taille prendrait alors trop de temps et ne pourrait être exploitée commercialement. L’introduction d’un noyau abrège le «temps de travail» de l’huître. Elle n’a besoin de le recouvrir que d’une couche pour qu’aussitôt la perle de culture prenne son «orient» caractéristique.
Depuis 1976-1977, de petites perles sans noyau solide provenant des mers du Sud sont commercialisées sous le nom de «Keshi». Leurs producteurs prétendent qu’il s’agit là de perles naturelles, mais la question est très controversée, car ce sont des sous-produits de forme baroque de la culture perlière, liés à une blessure du manteau. La CIBJO considère comme naturelles les «Keshi» (semence en japonais) de moins de 2 mm de diamètre.
L’insertion du noyau dans l’huître exige des mains habiles. Les greffeurs japonais en conservèrent longtemps le monopole; un bon greffeur peut opérer de 300 à 1000 huîtres par jour.
Un noyau de taille normale (6-7 mm) est introduit dans une Akoya de trois ans. De plus petits noyaux peuvent être introduits dans de plus jeunes mollusques. Des noyaux dépassant 9 mm de diamètre provoquent chez les akoyas une mortalité de 80%.
Les « huîtres perlières » ainsi préparées sont immergées à une profondeur de 2 à 6 m à l’intérieur de cages en fil de fer ou, plus récemment, en plastique, suspendues à des radeaux en bambous ou à des cordes tendues entre des bouées. Les mollusques et leurs cages doivent être débarrassés plusieurs fois par an des algues et autres organismes qui s’y fixent. Leurs prédateurs naturels sont des poissons, des crabes, des polypes et divers parasites, parmi lesquels un phytoplancton qui peut envahir par myriades, comme une «marée rouge», des installations entières et les mettre en danger, en accaparant tout l’oxygène.
La température de l’eau joue aussi un rôle important dans le développement des mollusques. La pintadine japonaise meurt à 11 °C. Aussi les fermes les plus septentrionales doivent-elles, à la moindre vague de froid brusque et avant l’hiver, transporter les radeaux et leurs charges sous-marines dans des eaux plus chaudes.
Au Japon, la rapidité de croissance de la couche perlière autour du noyau est initialement de 0,09 mm par an. Les perles de culture à présent commercialisées sont recouvertes d’une épaisseur d’environ 0,3 mm. Dans les mers du Sud, cette épaisseur atteint au minimum 1,5 mm.
Quelques installations ont récemment été déplacées des baies en pleine mer, parce que les mollusques sont censés être stimulés par les courants marins, et par conséquent produire plus vite des perles de culture de meilleure forme. En même temps, les baies marines, envahies par d’innombrables radeaux, seront ainsi moins surpeuplées ; les conditions de vie en seront améliorées pour les «huîtres perlières» restantes.
Les mollusques greffés demeurent de 3 à 4 ans en élevage : ils ont alors sécrété une couche perlière importante autour du noyau (0,3 à 0,5 mm pour l’Akoya, 1,2 à 2 mm pour les pinta- dines des mers du Sud). Un séjour plus prolongé peut mettre en danger leur santé ou leur vie et, par là même, altérer la forme de la perle. La sécrétion perlière cesse au bout de la T année.
En général, une huître ne peut être utilisée qu’une seule fois. La plupart d’entre elles meurent après que leur perle leur a été enlevée. Il faut prendre de grandes précautions pour obtenir une seconde génération de perles de culture («surgreffe» des pintadines polynésiennes).
Au Japon, les périodes favorables à la récolte perlière sont les mois secs d’hiver, de novembre à janvier, parce qu’à ce moment-là, la sécrétion de la nacre est ralentie et les perles ont un éclat particulièrement beau. Elles sont alors retirées des Akoyas, puis lavées, séchées et triées selon couleur, grosseur et qualité. Dix pour cent des perles de culture produites sont commercialisables en joaillerie ; 60 % sont de qualité médiocre ; 15 à 20 % sont totalement inutilisables et doivent être jetées. Les perles de culture peu recouvertes sont presque sans valeur.
Pour améliorer leur couleur, les perles de culture sont soumises à divers traitements, comme le blanchiment, la teinture ou l’irradiation.
Les premières fermes perlières japonaises se sont établies en 1913 au sud de Honshu. Il existe aussi de nos jours des installations à Shikoku et Kyushu. Depuis 1956, la culture des perles s’est étendue le long des côtes occidentales et septentrionales de l’Australie et produit des perles de culture de bonne qualité, ainsi que des Misters de 15 à 25 mm de diamètre, appelées « Mabé», parce qu’elles provenaient initialement uniquement d’une huître à coquille noire nommée Mabé en japonais. Il existe de nombreuses fermes en Asie du Sud-list, Birmanie méridionale, Malaisie, Indonésie.